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L’AS Cluny, naissance d’un club omnisport

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Conservés dans les archives de l’US Cluny football (qui lui a succédé après-guerre), les statuts de l’Association Sportive Clunysoise permettent d’en savoir un peu plus sur l’organisation du sport clunisois au début du 20e siècle.

17 février 1927 : une décision importante concernant le monde sportif est prise au café Rolland (ou café du Nord). Après cinq ans d’exercice au sein de la Société mixte de tir, qui a présidé à leur naissance, les footballeurs de l’Union Sportive Clunysoise prennent leur indépendance et fondent l’Association Sportive Clunysoise.
Un mois plus tard, le mercredi 23 mars, les statuts sont déposés en préfecture, puis publiés au Journal officiel du dimanche 10 avril 1927. L’association a pour but déclaré la pratique de l’athlétisme et du football et son siège social est naturellement fixé au café Rolland, sur la place de l’abbaye, où il était déjà du temps de l’Union Sportive Clunysoise.

La place de l’abbaye avec le café du Nord, vers 1900 (archives municipales de Cluny).

L’USC est morte, vive l’ASC !

L’article 1er des statuts de l’Association Sportive Clunysoise précise :

“La Société a pour but la pratique de tous les exercices physiques en provoquant une saine émulation entre ses membres et en créant entre eux des relations d’amitié et de bonne camaraderie.”

On ne saurait imaginer meilleure entrée en matière !

La Société se dote également d’une insigne (qui n’est malheureusement pas parvenue jusqu’à nous) que chaque membre doit porter lors des “déplacements, concours et fêtes”.

Bien que désormais (officiellement) indépendante des autorités militaires, l’AS Cluny conserve un lien fort avec ses statuts d’origine, dont elle conserve la majorité des articles. Ainsi, on retrouve tout le gratin local comme membres d’honneur de la nouvelle association : les sénateurs et députés de Saône-et-Loire, le préfet, le maire de Cluny et le Général commandant le 8e corps d’armée, l’association étant agréée par le ministère de la guerre et reconnue d’utilité publique, comme l’était sa grande sœur. 

Cela peut sembler surprenant aujourd’hui, mais placer une association sportive sous les auspices de l’armée était tout à fait normal à l’époque, et même évident : la pratique sportive est alors vue comme un bon moyen de préparer les jeunes gens au service militaire et, par la suite, de conserver les capacités physiques nécessaires en cas de mobilisation.
Pour l’anecdote, ce rôle de préparation militaire est toujours indiqué dans les statuts de l’AS du lycée La Prat’s, plus ancienne association sportive de Cluny encore en activité, créée en mars 1920.

Aux côtés des membres d’honneur, il est possible d’être “membre bienfaiteur” en faisant un don de 100 francs, et “membre honoraire” en s’acquittant d’une cotisation annuelle de 10 francs. Les “membres actifs”, enfin, doivent être âgés de plus de 14 ans, verser un droit d’entrée de trois francs, et une cotisation annuelle de trois francs également, qui donne droit à l’assurance contractée par l’association. Lors du service militaire, un “congé” est accordé aux membres actifs qui, bien que ne versant plus leur cotisation annuelle pendant cette période, ne perdent pas le bénéfice de leur droit d’entrée.

Départ des conscrits de la classe 1911 à Paris (Gallica / BnF – Agence Rol).

Les statuts de 1927 précisent également que les capitaines d’équipes sont nommés par le comité de direction, lui-même renouvelable annuellement. C’est le Courrier de Saône-et-Loire du 14 mars 1927 qui nous donne la composition du premier bureau de l’ASC :

  • Président : M. Furtin
  • Vice-président : M. Julien
  • Trésorier : M. Isnard
  • Trésorier adjoint : M. Lemoine
  • Secrétaire : M. Bourgeay
  • Secrétaire adjoint : M. Rolland (du café du Nord, siège de la société)
  • Membres du bureau : MM. Bizet, Grobion, Duplessis

Enfin, l’article 23 (marqué d’une croix dans la copie retrouvée à l’USC), précise un détail amusant de la vie de l’Association Sportive Clunysoise :

« Toute discussion politique ou religieuse est absolument interdite dans les réunions de la Société, ainsi que les chants inconvenants et les jeux de hasard. »

Cette précaution est encore une fois un vestige des statuts de la Société de tir dont la section sportive de l’USC est issue, qui reste importante dans une époque où la moralité des associations est un véritable enjeu d’image, quelques années à peine après la loi de juillet 1901.

Premiers succès en athlétisme

La commission athlétisme est la première à être constituée. Autour de M. Bizet, président de la commission, en sont membres MM. Bourgeay, Rolland, Duplessis et Lemoine. La nomination de la commission de football est remise à plus tard. La section athlétisme ne met pas longtemps à se distinguer : le lundi 6 juin 1927, cinq mois après la constitution de l’AS Clunysoise, le club participe à sa première compétition et classe cinq “coureurs à pieds” parmi les six premiers (probablement au 1500 mètres) : 

  1. André (ASC)
  2. Commerçon (Montceau)
  3. Brevet (ASC)
  4. Juillard (ASC)
  5. Guillot (ASC)
  6. Doridon (ASC)

L’arrivée d’André, « 10 mètres devant Commerçon », aurait soulevé les applaudissements du public !

Départ du 1500 mètres des championnats de France militaires 1909 à Colombes (Gallica / BnF – Agence Rol).

Mais avec les premières victoires, viennent également les premières défaites. Le dimanche 26 juin 1927, c’est tout auréolé de leur premier succès que les jeunes sociétaires de l’ASC partent plein d’entrain au championnat de Bourgogne qui se tient à Beaune. Hélas, le retour fut plus maussade, car hormis André qui se classe deuxième (sur cinq concurrents) au 1 500 mètres, aucun Clunisois ne se distingue. Le chroniqueur local de l’époque n’y va pas par quatre chemins : « Que cela leur serve de leçon et qu’ils n’oublient pas que seul un entraînement sérieux leur permettra de briller dans les réunions sportives ». C’est dit !

Et une première saison en football

La section football de l’Association Sportive Clunysoise (re)naît à la fin de l’été 1927, quelques mois après la section athlétisme. Les futurs joueurs sont invités à venir se renseigner lors de la réunion de l’association du jeudi 28 juillet à 20h, au café Rolland. Puis tous les joueurs de football-association sont convoqués sur le terrain d’entraînement le dimanche 4 septembre pour la formation des équipes et les informations sur les licences.

Pour se distinguer, la nouvelle association prend les couleurs de la ville et joue en bleu et blanc (l’USC jouait auparavant en jaune et noir, ou en bleu et jaune). Elle installe également son camp de base sur un terrain proche de la Filature (que l’on peut situer actuellement au niveau des Quatre-Moulins), et non plus au terrain de Bel-Air, qui était loué par la Société de tir. Dès lors, l’activité de l’ASC se partage donc entre l’athlétisme l’été et le football le reste de l’année.

La filature de laines Bretin-Billot, aux Quatre-Moulins, au début du 20e siècle. On aperçoit à l’arrière-plan le carrefour entre l’avenue de la gare et la route de la digue et, juste en dessous, ce qui pourrait être le terrain de l’ASC (collection privée).

Pour son premier match officiel de la saison, le dimanche 2 octobre 1927, la section football de l’AS Clunysoise se rend à Saint-Laurent-sur-Saône pour rencontrer le FC Saint-Laurentin. Malheureusement, cette première sortie des jeunes équipiers clunisois se solde par une lourde défaite 12 buts à 3 face à une équipe locale bien plus expérimentée.
Cela n’empêche pas l’ASC de lancer une nouvelle campagne de recrutement, qui permettra la formation de trois équipes un mois plus tard. L’équipe réserve se distingue rapidement : dès le mois de décembre, le Courrier de Saône-et-Loire rapporte sa victoire à domicile face à l’équipe première d’Igé par 3 buts à 1. Malgré ce lever de rideau tonitruant, l’équipe fanion n’a pas réussi à s’imposer ensuite face à l’US Charolles, et termine sur un match nul 4 partout. On entendra par contre rarement parler de la troisième équipe dans les journaux, qui semble être restée au niveau loisir.

Un match amical joué en novembre 1927 au terrain de la Filature face au FC Saint-Clémentin (de Saint-Clément-lès-Mâcon, qui vient tout juste d’être rattachée à la commune de Mâcon) nous permet de connaître, pour la première fois, quelques noms de joueurs de football de l’ASC : De Bondt (capitaine à la forte personnalité), Seigne, Bœuf, Doridon, Aufaure, Fontaine, Darfeuille, Detruche, Desbois, Dorillat, Joanny, Goyard, Laguette et Folcher.

Au fil des rencontres, cette jeune équipe de l’AS Clunysoise n’en finit pas de recevoir des louanges, y compris de ses adversaires. Un chroniqueur chalonnais raconte, suite au match du 27 novembre 1927 remporté 4-3 par le Football-Club Chalonnais (FCC), mais où Cluny fit forte impression : « Très vite dans toutes ses lignes, [l’équipe de Cluny] ne laisse pas un instant de repos à l’adversaire ».
A contrario, le FCC semble particulièrement indiscipliné, au regard du même chroniqueur chalonnais, qui se permet un recadrage en règle bien loin de la distance journalistique d’aujourd’hui : « Je trouve que certains joueurs éprouvent encore trop le besoin de crier ; on donne des conseils à son voisin, on crie, on tempête contre un loupeur et cela pendant le match. A quoi cela sert-il ? J’estime pour ma part qu’un joueur en possession de la balle sait parfaitement ce qu’il veut faire, et que ce n’est pas par des cris qu’on l’incitera à fournir un jeu meilleur, bien au contraire. A mon avis, tous les membres d’une équipe doivent fournir le meilleur d’eux-mêmes ; le joueur en possession de la balle doit parfaitement bien savoir ce qu’il veut faire ; il a peut-être une idée dans la tête qui lui permettra de faire marquer un but ou de le marquer lui-même. Dans notre équipe, où les as ne pullulent pas, il me semble que rares doivent être les conseilleurs. » Ouch !

L’équipe de football du FC Chalon, vers 1930 (collection privée).

La presse d’époque permet également de découvrir l’organisation des déplacements, en automobile la plupart du temps, mais aussi en train. Ainsi, pour les matchs du dimanche 11 décembre 1927, l’équipe première a rendez-vous à midi sur la place du marché pour partir à Saint-Clément-lès-Mâcon « par auto » et la réserve à la gare pour se rendre à Chalon à 7h30 du matin (ça pique !). Le réveil sera moins matinal pour le déplacement de l’équipe fanion le 8 janvier 1928 face à l’US Charollaise : le rendez-vous à la gare est fixé à onze heures trois-quart pour un coup d’envoi fixé à 14h à Charolles.

La gare de Cluny, vers 1900 (collection privée).

On apprend également grâce aux archives que l’équipe première de l’AS Clunysoise évolue en 2e série pour sa première saison 1927-1928. Le championnat se décompose en une phase de poules avec des matchs aller-retour, puis d’une phase finale à élimination directe pour désigner le champion départemental de la saison. 

L’ASC sort visiblement victorieuse de son championnat, car elle se retrouve le dimanche 1er avril 1928 au stade des Alouettes de Montceau pour jouer la finale du championnat de 2e série face à l’Union Sportive d’Ecuisses. Ayant l’avantage tout au long des 90 minutes, les Clunisois n’obtiennent cependant que le match nul (2 à 2) à l’issue du temps réglementaire. Le dénouement se joue en prolongations, lors desquelles l’ASC obtient le penalty victorieux. C’est donc une première saison et déjà une première montée en Promotion d’honneur pour l’ASC ! Le chroniqueur du Courrier de Saône-et-Loire ne tarit pas d’éloges : « Toute l’équipe Clunysoise est à féliciter, son capitaine [De] Bondt en tête, pour le championnat de Saône-et-Loire enlevé à la première année de la fondation de la Société ».

Tant en athlétisme qu’en football, la première saison de l’Association Sportive Clunysoise sera donc couronnée de multiples succès… qui en appelleront d’autres !


  • Sources : Archives de l’US Cluny | Archives du Courrier de Saône-et-Loire | Bibliothèque nationale de France
  • Photos : Archives municipales de Cluny | Bibliothèque nationale de France | Collections privées.
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